Mort au Loup [Italie]

Même si Wolfgang avait montré sa colère la veille, il ne m'avait en réalité fait part que de son inquiétude à l'égard de ma disparition. Et des nouvelles dispositions prises avec l'approbation de tous... À présent, je me devais de rester auprès de lui, et je ne pouvais en aucun cas m'éloigner de ce qu'il avait nommé le "périmètre de sécurité". De plus, et c'était là le pire, je ne pouvais plus me retrouver seule avec Ludwig. Je pouvais à peine lui adresser la parole, et ce matin nous n'avions échangé que quelques discrètes paroles, sous la surveillance d'Aurore et Wolfgang. Nous ne pouvions même pas nous toucher, Wolfgang me l'avait clairement fait comprendre. C'était une punition fort sévère, d'après moi, mais je n'avais pas d'autre choix que de m'y plier...

Aujourd'hui, c'était la chasse... Tous les vampires réunis ici allaient se mettre à la poursuite d'un pauvre loup qui n'avait, selon moi, rien fait de mal. Je rejetais ces pratiques, tout autant que la chasse aux humains... Hélas, j'étais dans l'obligation de suivre les autres. Mais le pire, dans tout cela, c'est que Wolfgang appréciait beaucoup la chasse. C'était une chose que je n'avais jamais comprise chez lui ! D'ailleurs, il était installé à côté de Carlisle, mon père vampire, celui qui m'avait sauvé la vie cent ans plus tôt... Ce dernier commença à lui parler de la chasse, qu'il n'appréciait pas non plus. Wolfgang se tourna poliment vers lui et lui adressa un sourire en accord avec son attitude.

"En effet, cela va sans doute être passionnant." répondit-il en acquiesçant. "Et ils participeront tous. Aucun d'eux ne manquerait un tel divertissement !"

Tournée vers les deux hommes qui conversaient, mon regard croisa celui de Carlisle, qui afficha un sourire à mon encontre. Je le lui rendis volontiers, me disant que j'aurais préféré me trouver à côté de lui en cet instant pour pouvoir lui parler, et également être plus proche de Ludwig qui était si loin... Cela ne m'empêcha pas d'apercevoir son geste, si discret fut-il. Je jetai un œil à Wolfgang qui n'avait rien vu, et posai ma main sur ma joue en esquissant un sourire, pour lui faire comprendre que j'avais bien reçu son baiser.

"Esmée, rappelle-toi que tu ne dois pas t'éloigner de moi. Ce sera passionnant, certes, mais cela peut aussi être dangereux ! Tant que je serai près de toi, tu ne risqueras rien, aussi je veux toujours avoir un œil sur toi, compris ?"

Je me redressai, croyant être prise en flagrant délit alors qu'il me faisait une nouvelle fois ses recommandations. J'acquiesçai avec une légère réticence, sachant pertinemment que rester avec lui signifiait risquer d'assister à une scène fort peu à mon goût.

- Bien sûr, Wolfgang ! Je ferai attention, promis-je en hochant la tête avec ferveur. Il passa sa main dans mes cheveux, rassuré, et sourit. Je ne pourrais sans doute pas parler à Ludwig, ce qui était finalement un mal pour un bien. Après tout, il s'était passé tellement de choses dont je n'avais pas envie de parler...

Ludwig intervint dans la conversation comme pour confirmer les dires de Wolfgang, parlant de grande prudence qui serait de mise. Mais il enchaina bien vite avec un rapprochement fort peu orthodoxe entre le prénom du jeune homme et ces loups, autrement nommés "wolf" en anglais. Mais que lui prenait-il ? D'accord, Wolfgang avait commis une erreur en pensant que c'était lui qui m'avait blessée lors de notre altercation à Venise, mais ce n'était pas une raison ! Je fusillai mon frère du regard face à cette remarque désobligeante. Wolfgang, qui était tout sauf méchant et qui avait pris la peine de nous couvrir auprès du Sénat lors de notre escapade, ne méritait aucunement un traitement de cette sorte !

"Le nom peut faire beaucoup de choses, il est vrai. Néanmoins, il n'est pas tout, et sache qu'il faut avoir de la force et du courage pour soutenir ses opinions, et surtout pour protéger les siens..."

Il faisait allusion au fait que Ludwig avait été incapable de me protéger alors que j'étais en danger. Il disait également par là qu'une attaque de la part de mon frère ne servirait à rien, car il était bien plus fort et bien plus vieux que lui.

Carlisle s'adressa à Wolfgang pour changer de sujet. Il demanda si Aurore pouvait m'accompagner pour garder un œil sur moi. Wolfy réfléchit à cette question quelques instants. À vrai dire, cela ne lui plaisait pas plus que ça, mais il préféra accepter.

"Soit, si cela peut vous rassurer, Carlisle. Mais sachez que je peux assurer sa protection seul, et que même si ce n'était pas le cas - ce qui est une simple supposition -, mon clan prendrait la relève. De plus, je suis certain qu'Esmée est capable de bien plus de choses qu'elle n'en a l'air !"

Je souris à sa remarque, d'un sourire gêné à vrai dire. Si je l'avais pu, j'aurais rougi, mais hélas ma condition ne me permettait plus ce signe d'humanité.

Ludwig se défendit devant les paroles de Wolfgang. Je voulus sourire, d'un sourire triste, à son discours. J'avais envie de le croire, mais j'avais du mal à penser qu'il aurait été plus apte à me protéger que Wolfgang ! Pourtant, j'aurais tellement aimé que ce soit le cas... Au fond de moi, je n'espérais que cela, revenir auprès de lui et ressentir à nouveau cette protection, cette plénitude qui m'avait autrefois habitée.

Carlisle affirma à Wolfgang que je ne ferais pas de mal à une mouche et que je ne supportais pas la violence. Je hochai la tête et souris à mon père adoptif. C'était bien le cas. Wolfgang ne me connaissait pas encore assez, nous n'étions pas ensemble depuis assez longtemps. Mais je commençais à me questionner sur cette proximité. N'avais-je pas fait le mauvais choix en le préférant à mon frère ? Une pointe de regret s’immisçait un peu plus en moi chaque jour...

- En effet, Carlisle a raison. Je préfèrerais d'ailleurs...

Nous en avons déjà parlé hier soir, Esmée. Tu m'accompagneras ! dit-il en haussant légèrement la voix, me fixant droit dans les yeux, ce qui me força à baisser les miens. Il le remarqua et se radoucit : Mais ne t'en fais pas, tu n'as rien à craindre, ajouta-t-il en recouvrant une voix calme et mielleuse.

J'allais dire que j'aurais préféré m'abstenir de participer à cette chasse. Mais j'y étais obligée. Nous étions tous réquisitionnés. Pourtant, jamais je n'aurais pu blesser qui que ce soit... Homme, animal, vampire ! La race importait peu, le cœur comptait à mes yeux. Le cœur et le sang qui coulait dans des veines saillantes et rougeoyantes... Le sang qui était notre plus grand péché et notre plus violent bourreau... En cet instant, l'image d'un lac de sang s'imprima sur mes paupières, me fascinant et m'attirant immanquablement. Mais me révulsant plus que tout lorsque je repris mes esprits !

La chasse allait commencer...

Le comportement de Wolfgang était révoltant. Si j'avais écouté cette voix qui me hurlait d'agir, je lui aurais sauté dessus pour lui trancher la gorge. Je ne voulais plus tant le faire souffrir, qu'il disparaisse serait déjà amplement suffisant. L'ennui c'était que cet acte me conduirait moi aussi la mort. Et le fait de l'attaquer n'assurait en rien ma victoire. Et puis, le plus important dans tout ça, Esmée s'était attachée à lui et sa tristesse serait réelle s'il devait mourir. S'il y a bien une chose que je ne pouvais supporter c'était de la voir souffrir de tristesse. C'était le genre de sentiment qui pouvait vous tuez à force. Serrant fortement les poings, je gardais mes paroles venimeuses derrière mes lèvres closent.

Heureusement, le conseil commença, offrant à tout le monde une nouvelle distraction. Je n'écoutais aucunement ce que nos dirigeants avaient à nous dire, me contentant de garder les yeux obstinément fixés sur ma sœur. Lorsque que la réunion s'acheva, notre rangée fut dans les premières à quitter la salle. A croire que nous étions tous impatient. Pour des choses différentes bien entendu. En passant par les toits, s'éloigner du centre de Rome fut facile et rapide comme toujours avec nous autres Vampires. Nous nous retrouvions donc répartis par familles, chacune fouillant un périmètre de quinze kilomètres. Malgré la distance, je pouvais encore entendre le souffle si particulier qu'Esmée s'efforçait de garder, la rendant encore un peu humaine.

C'est à ce moment que cela se produit. Une gueule pleine d'écumes me passa à quelques centimètres du visage avant de continuer sa course jusqu'à planter ses crocs dans l'épaule d'Aurore. Un peu plus et il m'aurait arracher la tête. Perturbé, j'oubliais les barrages, laissant mon esprit se tendre au maximum. Je reçu alors toute la douleur de ma mère adoptive et manquais de tomber au sol sous le choc.

[Aurore était pas censée être avec Esmée ? :O xD]

J'essayais de me concentrer sur les paroles échangées durant le conseil qui venait de débuter, mais les yeux de mon frère rivés sur moi ne cessaient de m'en empêcher. Au final, je ne pus rien écouter attentivement, et je ne retins pas grand chose des avertissements et des informations données. Pourtant, pas un instant je ne tournai la tête vers lui, craignant de trouver dans son regard une émotion destructrice.

Le conseil terminé, nous fûmes les premiers à nous extraire de la salle pour partir en chasse. Les toits de la ville romaine nous servirent de chemin tout tracé afin de nous rendre dans le périmètre qui nous avait été assigné. Je suivis Wolfgang et ma nouvelle famille - malgré les quelques mois passés avec eux, je ne les considérais pas encore vraiment comme ma famille définitive - alors que nous fouillions nos quinze kilomètres de terrain. J'étais extrêmement mal à l'aise dans cette chasse à laquelle je n'avais jamais désiré participer !

Je ressentis bientôt une légère douleur et je m'arrêtai, le souffle coupé durant un instant. C'était Ludwig... Non, il n'était pas blessé, ce n'était pas l'odeur de son sang qui nous parvenait petit à petit. Alors pourquoi ? Que se passait-il ? Mon air affolé inquiéta mes compagnons, qui me demandèrent ce qui n'allait pas, Wolfgang en premier.

- Ludwig... Il se passe quelque chose sur leur périmètre... articulai-je en les regardant d'un air suppliant. Je voulais le rejoindre pour voir s'il allait bien !

Allons, tu l'as entendu tout à l'heure non ? Il est capable de se protéger et de protéger ceux qu'il aime. Ne t'inquiète pas pour lui et continuons, lança Wolfgang avec une pointe de sarcasme au fond de la voix. Notre périmètre ne se fouillera pas tout seul ! On s'y remet, les enfants ! cria-t-il ensuite à l'intention de notre petit groupe.

Tout le monde acquiesça, sauf moi. Mon inquiétude restait palpable et m’oppressait plus de seconde en seconde. Il se passait quelque chose sur leur périmètre, tandis qu'ici il n'y avait rien à voir. Si Ludwig était blessé... Je n'osais même pas penser à cette éventualité ! Alors que nous avions repris notre chasse depuis quelques instants, je profitai d'un moment d'inattention pour m'éclipser le plus discrètement possible. Il ne leur faudrait que peu de secondes pour se rendre compte de mon forfait, mais je devais prendre assez d'avance pour arriver à temps de l'autre côté. Ce ne fut pas difficile, ils avaient le périmètre jouxtant le nôtre. J'arrivai près d'eux, mon air affolé toujours plaqué sur le visage. J'aperçus d'abord Ludwig : il n'avait effectivement rien ! Mais alors, qui ? Je me stoppai et regardai autour de moi. Mes compagnons n'allaient pas tarder à apparaître, je le savais. Pourtant, ce détail ne m'affligeait guère : mon frère allait bien, c'était tout ce qui comptait.

- Aurore est blessée ? demandai-je en la voyant se tenir l'épaule. Son agresseur avait disparu dans les fourrés. Je ne m'approchai pas plus près. Ce n'est rien, n'est-ce pas ? les questionnai-je ensuite avec appréhension, tiraillée entre l'envie de m'approcher et le retour à la réalité : mon acte était totalement déplacé...

Les dents de l'animal étaient profondément enfoncés dans la chaire d'Aurore. Il tentait vainement d'arracher le membre coincé dans sa mâchoire alors qu'elle enserrait sa gorge pour l'empêcher de s'écarter. Carlisle fut le premier à réagir en se ruant vers eux pour enfoncer un puissant coup de poing dans l'estomac de la bête. La douleur arracha un grognement mouillé au loup, mais il ne lâcha pas sa proie. L'homme s'y reprit à plusieurs fois avant d'essayer une autre stratégie. Il attrapa les babines du lycanthrope et tenta de lui faire desserrer les mâchoires. A force de lui charcuter les gencives de ses ongles, il obtint un résultat et écarta enfin le lupin de son épouse. Il s'en débarrassa d'un shoot ravageur et l'expédia comme un ballon de foot dans les fourrées.

Ni Gabrielle, ni moi-même n'avions réagis. Je n'étais que trop peu habitué à voir ma maîtresse ainsi attaquée. La puissance qui émanait d'elle suffisait généralement à écarter toutes offensives. A la place, les ennemis préféraient les ennemis plus jeunes et moins rôder aux combats inter-espèces. Un adversaire comme moi en somme. Après tout n'étais-je pas la cible principale de cette chose à la mâchoire écumeuse ? C'est à ce moment là qu'Esmée apparu à nos côtés, faisant naître chez moi des sentiments contradictoires. D'un côté, j'étais heureux de la voir ici, inquiète pour un membre de ce que je considérais toujours comme notre famille, mais parallèlement à ça, j'aurais préféré qu'elle ne soit pas dans le périmètre durant la chasse. Déjà car il y avait un ennemi qui nous épiait, mais aussi parce que je ne tenais pas à ce qu'elle assiste à la mise à mort du monstre. Il avait goûté notre sang, il était donc normal qu'il paye. Même si j'étais moins extrémiste que la majorité des autres Vampires pour certaines choses nous partagions les mêmes idées. Carlisle, qui examinait la blessure de ma mère adoptive, se releva pour se tourner vers elle.

- Que fais-tu là, Esmée ? Et ne me dis pas que Wolfgang a accepté que tu viennes nous rejoindre...

Son but était de la faire fuir ? Parce qu'avec une telle froideur, tout ce qu'il allait gagné était qu'elle reparte vers l'abruti et sa clique, blessée. Je me rapprochais d'elle et glissais ma main dans la sienne.

- S'il n'est pas à ses côtés en cet instant, c'est bien la preuve qu'il n'est pas capable de la protéger !